Le grand bal du printemps de la psychiatrie

« Les fleurs avec nous ! Les fleurs avec nous ! Les fleurs avec nous ! »

On avait invité les fleurs au grand bal du printemps de la psychiatrie.

Chacune avait reçu son préavis de rêve acheminé par une abeille diligente. Elles avaient longuement choisi leur parure. Chacune s’était maquillée, avait repassé ses pétales, affuté ses épines pour éloigner les gros bourdons casqués et castanérisés. Elles s’étaient parfumées pour accompagner le blues des blouses blanches, noires et bleues.

On avait planqué les perturbateurs endocriniens qui avaient rejoint neuroleptiques et antidépresseurs au musée des horreurs libérales.

On les avait toutes invitées pour n’en vexer aucune. Les pensées s’étaient libérées des IRM, des professeurs Tournesol et des petites lumières qu’elles allumaient dans l’hippocampe et sur l’aqueduc de Sylvius. On croisait des pensées profondes, des pensées obscènes, des pensées positives qui méditaient en position du lotus, des pensées uniques cachectiques, des pensées du jour en uniforme, drapées dans le drapeau bleu, blanc, rouge de Blanquer, des pensées obsédantes traitées par T.C.C, des pensées de Pascal et de Pierre Dac qui serinaient le discours sur la méthode ABA, des pensées envahissantes qui se faisaient du mouron, des pensées loufoques qui parlaient de transfert et d’écoute, des pensées morbides entourées d’immortelles et de pissenlits mangés par la racine, des pensées de Marc Aurèle et d’Orelsan, des pensées vagabondes qui descendaient le boulevard de l’hôpital. Elles braquaient le projecteur sur les nouveaux évangélisateurs, catéchumènes d’une psychiatrie enfin scientifique. De la dopamine pour les toxicos du cerveau ! De la noradrénaline pour les dopés du neurone ! Et un Centre expert pour tous !

On avait invité les fleurs au grand bal du printemps de la  psychiatrie.

Un parfum de printemps flottait sur la ville lumière qui sortait doucement des ténèbres. Prévert faisait le Jacques, Béranger arrosait la fleur qui lui pousse à l’intérieur, Brel apportait des bonbons. Et le chœur répondait : « Les fleurs sont périssables. Surtout lorsqu’elles sont en bouton mais l’idée de fleur, elle, est immortelle, comme le printemps, comme la révolte, comme le soin. ». Une sève nouvelle irriguait nos veines. On osait des métaphores inouïes. La partie se prenait pour le tout, et le tout défilait le poing levé.

On avait invité les fleurs, toutes les fleurs. Les rimes masculines et les rimes féminines. Et même celles qui ne riment à rien. Les belles échappées qui sentent le retour à la maison après l’isolement, les modestes qui se planquent sous la mousse comme tant d’infirmières en réunion. Les belles de jour toujours et de nuit qu’on ne passera pas, les dames-d’onze-heures qui cherchent midi à quatorze heures et arpentent les trottoirs parsemés de fleurs qui poussent sur le fumier de la misère psychique. Fleurs de riches et fleurs de pauvres. Fleurs de béton, de canicule, de caillasse et de montagne que des jardiniers aux mains habiles protègent des désherbants. Orchidées aux friselis envoûtants. Fleurs de banquet vendues en tapis, en bouquet, en cascades qui célèbrent des unions où l’on se déchirera à belles dents avant d’aller consulter au CMP. Prévoir quelques mois d’attente, les psys se font rares.

On avait invité les fleurs au grand bal du printemps de la  psychiatrie.

Les fleurs en serre avaient décliné l’invitation. Mesurées, jaugées, évaluées, calibrées, certifiées, elles séchaient sur place exsangues comme une quelconque psychiatrie publique.

La rose du petit prince n’en finissait plus de se préparer, lissant chacune de ses pétales tout en prenant garde au fondamental mouton de Panurge que ses épines n’effrayaient guère. Un peu.

Un tapis de marguerites dessinait un anneau de Moebius en effeuillant l’Aimée de Lacan. Beaucoup.

Un œillet flétri, rescapé de la révolution portugaise, décorait la boutonnière de l’illustre psychiatre inconnu qui avait vendu son âme à Lily, Sanofi et autre Otsuka. Passionnément. 

Un parterre d’oseille attendait la raiponce des actionnaires et perdait patience. A la folibérale !

Un peu, beaucoup, passionnément, à la folie ! A la folie ! 

A la folie ! Toast jamais porté.  

Ni Dieu, ni maître et la folie pour compagne !

On avait invité les fleurs au grand bal du printemps de la psychiatrie

Les grévistes de la faim de Rouen, les blouses noires, les perchés du Havre, les secoués de serpsy, les zunifiés, les zupéhesses de partout, les 39 et les 40-12, l’appel des appels et les moins-un, ceux de Sud et ceux du Nord qui ne devaient rien à Céline, ceux de la CGT qui en avaient marre de végéter, les non-dupes et les autres, les fils conducteurs et les points de capiton, les psy causes et la criée, humapsy et la Fedex tout ceux-là et beaucoup d’autres manifestaient pour le printemps de la psychiatrie, pour un renouveau du soin psychique.

Ils étaient tous là. Ceux qui dessinent un arc-en-ciel chaque fois que la pluie tombe sur la psychiatrie, ceux des boules de neige lancées sur les CRS, ceux qui entonnent des canons (à eau) chaque fois qu’un technocrate leur explique le soin, ceux qui persistent à se servir du nom-du-père quand l’époque se voue aux images, ceux qui gardent les portes ouvertes et se passent de windows, ceux qui vomissant Cortexte, Cariatide et Cimaise préférent raconter les soins sur une feuille d’assertion. Ils étaient tous là, les scribes et les interprètes, ceux qui musent et ceux qui habitent l’espace tonal. Et ça défilait, ça défilait.

On avait invité les fleurs au grand bal du printemps de la psychiatrie.

Un peu, beaucoup, passionnément, à la folie ! A la folie ! 

A la folie ! Toast jamais porté.  

Ni Dieu, ni maître et la folie pour compagne !

Le lierre, les ronces et la vigne vierge rêvaient d’envahir les chambres d’isolement qui ne serviraient plus à rien. Les chardons se bardagaient pour en interdire l’entrée.

Le muguet agitait ses clochettes qui tintinnabulaient pour un premier mai festif.

Les digitales avaient à cœur de montrer du doigt les économies de bouts de chandelle, les CDD courts qui rendent les équipes exsangues, les recommandations idéologiques de la haute autorité de santé.

Sur ce fumier poussait le soleil, espoir de renouveau pour un soin psychique en attente de jardinier.

Un peu, beaucoup, passionnément, à la folie ! A la folie ! 

A la folie ! Toast jamais porté.  

Ni Dieu, ni maître et la folie pour compagne !

Les roses blanches pour ma jolie maman désertaient les services de pédopsychiatrie envahis par des spectres. Ritaline et neuroleptiques, les sales  plantes chimiques, avaient remplacé les entretiens et les packs, les activités en tous genres qui fleurissaient au temps joyeux d’une clinique créative.

En psychiatrie d’adulte, les gentils coquelicots mon âme devenaient deux trous rouges au côté droit malgré tous les  plans suicide édictés par le gouvernement. Des couronnes mortuaires saluaient les avancées de la psychiatrie scientifique.

On avait invité les fleurs au grand bal  du printemps de la psychiatrie.

Les azalées trop zélées pour zézayer un oui, les pivoines trop rouges, trop confuses, des bégonias oubliées sur les balcons de tristes HLM de banlieue, elles étaient toute venues. Jusqu’à l’oiseau de paradis qui se prenant pour un colibri tentait d’attiser l’incendie qui venait. 

Un peu, beaucoup, passionnément, à la folie ! A la folie ! 

A la folie ! Toast jamais porté.  

Ni Dieu, ni maître et la folie pour compagne !

« Dans un état de droit,  les fleurs c’est à la boutonnière, avait ricané le président. Des fleurs dans les rues ce n’est pas dans le protocole.

-C’est égal, qu’on a répondu, la prochaine fois on invitera des fauves ! »

Dominique du Printemps de la psychiatrie

Poèmes quasi-érotiques

Une lecture musicale de Simone Molina et Pierre Fayolle

« Elle au mitan d’un lit
Oublie sa source
Gronde sous roche sous rocaille » (1)
La voix tour à tour chuchote et se déploie.
La petite Salle du Marquis est comble, il a fallu rajouter des chaises. Ce samedi 9 mars, à
Velleron, un vieux village du Vaucluse, dans la maison des associations, on célèbre la
Journée Internationale des droits de la femme par une lecture musicale. Simone. La salle
est comble et j’ai la sensation qu’elle ne s’adresse qu’à moi. Sa voix chuchote dans le
micro. Des choses intimes ou qui semblent l’être : « Langue furtive se perd entre givre et
brûlure d’un trop de dit ». (1) Pierre Fayolle, à la contrebasse, lui répond, l’enlace, se tait,
percute, reprend son archet et donne un baiser aux Accord’Amours et aux quelques
autres poèmes quasi-érotiques que Simone distille. Merveilleuse voix du bois et des
cordes, des doigts qui pincent et caressent les cordes. Elle, c’est Simone Molina.
« Elle
Efface la fenaison
Les saisons dévastées
Les plaintes qui hantent alentour » (1)
Une partie de moi réalise que je ne sais pas grand-chose d’elle. Nous avons fait
connaissance au cinéma, à L’Utopia, en Avignon. Elle animait une rencontre-débat
autour du film Rester vivant méthode. La gazette de l’Utopia indiquait simplement,
psychanalyste et présidente du Point de Capiton. J’avais entendu parler d’elle par des
collègues de Montfavet et de serpsy. Ils m’avaient parlé d’une femme engagée, d’une
psychanalyste et de son implication dans la vie culturelle de la ville. Le film parlait de lui-
même. Un poète mort n’écrit plus, alors il faut rester vivant. Revenir à la souffrance pour

continuer à écrire, composer, peindre. Robert Combas, Iggy Pop, Houellebecq, Claire
Bourdin et Jérôme Tessier partageaient leur chemin de vie et de création avec cette idée
qu’il faut être à l’écoute de soi et du monde pour rester vivant. Depuis nous sommes en
lien. Nos deux associations se sont rapprochées. Nous échangeons des informations sur
nos projets respectifs. J’ai même été invité à l’Assemblée Générale du Point de Capiton.
J’y ai présenté l’association serpsy. Un lien.
« Elle
Au lit
Et Hildegarde se pâme
Au chant du ménestrel » (1)
Des images naissent. Qui donc est cette Hildegarde ? Sûrement pas Hildegarde Peplau,
théoricienne du soin aux Etats-Unis, elle mit la relation au cœur du soin. La France
l’ignore. Hildegarde de Bingen ? Ce serait raccord avec la journée des droits de la femme.
Une bénédictine, une sainte au milieu de poèmes quasi-érotiques ? Compositrice, femme
de lettres, quatrième docteur de l’église après Catherine de Sienne et les deux Thérèse ?
Je me retrouve plongé au XII ème siècle. Je me rêve ménestrel. Je voyage bercé par les mots
de Simone, leur musique, les arabesques de la contrebasse. Mon tapis volant me mène
vers Bagdad, Samarkand. J’entends l’oud et le nay. Darbouka et qanûn les rejoignent.
Des musiques arabo-andalouses m’envoutent et me transportent dans un univers de
soieries et de loukoums.
« Elle et lui
Au lit
A l’envers du temps » (1)
La poésie vivante, vibrante de Simone m’emmène vers des rivages inconnus. Elle sait la
puissance de la parole qui apaise et nourrit la révolte. Elle sait ces mots que l’on pose sur
une feuille de papier et qui embrasent un monde. Ils naissent de l’écoute et du silence
que l’on fait en soi. Elle sait ce pas à pas du stylo ou du clavier qui s’acharne à décrire
l’oppression, à la donner à entendre jusque dans le ton de la voix et le rythme des
phrases.

1- Molina (S), Voile blanche sur fond d’écran, Ed La tête à l’envers, 2016.

Dominique Friard

Serpsy fait son cinoch

Serpsy fait son cinoch

à l’Utopia, cinéma d’art et d’essai d’Avignon
le 24 novembre à 10 h 30

« Les chatouilles »
film d’Andréa Bescond et Eric Métayer

Doucement, la salle n°1 du cinéma Utopia d’Avignon, s’éclaire après la projection du film Les chatouilles d’Andréa Bescond et Eric Metayer. Le silence s’installe parmi la trentaine de spectateurs réunis ce samedi matin. Il va bien falloir parler. La gorge est encore nouée, les larmes au bord des yeux. Émotion et révolte mêlées. Eugénie, de l’Utopia lance la discussion. Personne ne s’en saisit, comme si chacun voulait encore un peu, rester en lui-même. Dominique me tend le micro « Peut-être que Madeleine peut dire un mot ? ». « Je voulais que ce soit une femme qui parle en premier. » Me dira-t-il plus tard.

Un film volcanique

Le film est un premier film. Le fond de l’histoire est autobiographique. Primé à Cannes en 2018, dans la catégorie « Un certain regard », il retrace le parcours d’une jeune femme ayant subi des actes pédophiles imposés par le meilleur ami de la famille, quand elle avait 9 ans. Une famille aimante, presque banale dans un milieu provincial de trentenaires actifs et bien insérés. Par petites touches, par un choix précis des mots et des chronologies qui s’enchevêtrent, le film rentre dans la complexité des relations qui se tissent entre les uns et les autres. Il révèle adroitement comment se fabriquent les faux semblants des relations dans la famille, la naïveté des parents et la violence sourde, quotidienne sous couvert d’amour ; les mots qui font mal, l’isolement de l’enfant, son mutisme et sa soumission face à son agresseur qu’elle ne juge pas comme tel au moment des actes. Puis la descente vers la drogue de l’adolescence volée. Les amitiés qui accompagnent la dérive. La rencontre avec une thérapeute disponible qui a eu la bonne idée d’installer son cabinet sur le chemin qui menait la jeune adulte à son cours de danse. L’instabilité et la rage durant ces années, avec le sexe et la nuit à outrance. Mais l’angoisse persiste. Difficilement, la parole se déverrouille. Comment trouver le courage nécessaire pour affronter les résistances familiales et leur cortège de dénis, et de mécanismes culpabilisateurs ? Enfin, la décision de soumettre le délit à la justice et de faire intervenir la loi.

C’est donc le récit d’un traumatisme qui cherche à se réparer. Mais surtout, et avant tout, il y a la danse qui imprègne tout le film car Odette, la petite fille, veut être danseuse étoile à l’opéra de Paris. Et cette danse parcourt tout le film, car Odette devient vraiment danseuse. Sa danse est généreuse, tendue, énergique, par moment envahissante. Elle lui permet d’ouvrir des espaces poétiques, psychiques, où les chronologies, les lieux et les gens se mélangent sans soucis de réalisme. Espaces de fantasmes permis, revendiqués même, par la thérapie engagée, où la réalité est modifiée, tordue, exultée, retravaillée, réappropriée.
Un film riche, où la plainte n’est pas de mise. Odette choisit le combat. Et c’est dans la rue qu’elle le mène parfois dans un style de Battle de hip hop. Elle, Odette la douce, la blonde, cygne blanc du lac des cygnes de ses rêves d’enfant.

Comment dire ?

Alors, quand je prends le micro, dans ce silence troublant qui suit la projection, je me lance et je parle de ce que je ressens. Cette émotion palpable dans la salle, qui nous étreint, nous allons avoir à la dépasser pour comprendre de quoi elle est faite. Qu’est-ce qui la constitue ? Elle est le signe de quoi ? C’est ce que permettront nos échanges. L’importance de ne pas se la coltiner seule, cette émotion car s’émouvoir n’est pas comprendre. Je parle en vrac. De Bruno Bettelheim, et du titre parlant d’un de ses livres, « L’amour ne suffit pas ». Non, l’amour ne suffit pas à protéger nos enfants, ni à protéger qui que ce soit d’ailleurs. Alors quoi ? La famille ? La mythologie nous enseigne depuis des millénaires qu’elle est le creuset de nos terreurs d’enfant, et de nos guerres intestines. La discussion démarre. Une dame à la haute coiffure blonde prend la parole réagissant sur cette affaire de l’émotion. « Déjà la reconnaître », dit-elle, « ne pas faire comme si elle n’existait pas. C’est important de lui laisser l’espace de se déployer. » Une autre dame embraye sur ce thème. Elle dira son indignation, évoquant un reportage passé à la télévision la veille à 23 h 30, sur les traumatismes sexuels vécus par des enfants. Ceux-ci, devenus adultes, témoignent dans le reportage. La veille dame s’enflamme. « Il faut faire quelque chose ! C’est terrible ce qui se passe ! Et il y en a beaucoup plus qu’on imagine. Des vies gâchées. Et ça se passe sous les yeux des parents qui ne voient rien ! Comment c’est possible ? Pourquoi les enfants ne disent rien ? D’ailleurs c’est souvent un membre de la famille qui touche les enfants. Ce n’est pas en passant ce genre de film tard en soirée qu’on va changer quelque chose. » C’est le premier mouvement de la discussion. L’indignation, la révolte.

Et après ?

Eugénie tente de passer le micro à une autre personne qui souhaite intervenir. C’est encore une femme qui prend la parole. « Moi, dit-elle, je me méfie quand j’entends dire des « il faut qu’on…, y a qu’à … Les choses ne sont pas si simple. J’ai surtout ressenti dans le film la place de l’art comme lieu de dépassement de soi. Ici on voit comment la danse lui permet de d’exprimer ses sensations qui l’angoissent. Je pense à Louise Bougeois et à son œuvre. » Á cette évocation, les œuvres intimes, familiales ou érotiques de la sculptrice se rappellent à notre mémoire, ainsi que quelques-unes de ses phrases bien senties : « L’art nous permet de rester sains d’esprit. » Et cela après 30 ans de psychanalyse. Ou encore, « En tant qu’artiste, je suis quelqu’un de puissant. Dans la vie réelle, j’ai l’impression d’être une souris derrière un radiateur. » Des artistes avant nous ont choisi de parler de leur condition de femme, plongeant leurs œuvres dans les douleurs, mais aussi les joies, de leur enfance. Elles l’ont fait avec rigueur, sans complaisance, sans qu’on les qualifie de niaises. Elles ont ouvert la route.

Une parole intime nous est confiée

Est-ce à ce moment-là, ou plus tard que du fond de la salle, là où il fait bien sombre, une voix grave et calme se fait entendre dans le micro. Doucement, lentement, elle nous raconte comment elle a vécu cet « enfer » au sein de sa famille. Comment elle a été détruite, sa difficulté à exister dans ce corps abusé. Comment elle s’est reconstruite. Ou bien est-ce après que deux jeunes femmes psychologues soulignent leur implication en tant que thérapeutes dans l’accompagnement des agresseurs, souvent eux-mêmes victimes d’abus dans leur enfance. La dame à la voix grave et posée, reprendra la parole un peu plus tard pour raconter comment elle a pu dire à ce père, au seuil de sa mort, qu’elle veut bien le soigner, mais qu’il n’attende pas qu’elle vienne le veiller, la nuit. La nuit, non, elle ne peut pas. Une forme de pardon ? Elle nous dit avoir décidé de parler en public pour rompre le silence depuis qu’elle est à la retraite. Elle travaillait dans l’accompagnement d’enfants en difficultés. Ce chemin douloureux qui a été le sien, lui a permis d’avoir une sorte de 6ème sens pour déceler la souffrance des autres,nous raconte-t-elle. Elle leur disait qu’ils pouvaient parler, lui parler. Elle pouvait les entendre, les aider. Ils ne devaient pas avoir peur de dire. Elle l’a aussi raconté à ses fils, pour qu’ils soient avertis. L’émotion est palpable dans la salle. Des femmes baissent la tête.

Nous revenons au film. Son énergie, son humour, sa fantaisie sont repérés comme salutaires. Pas de ton larmoyant, pas de pathos, mais de la précision dans les détails. Nous abordons le personnage de la mère, jouée magnifiquement par Karin Viard. Un homme prendra la parole pour parler de cette mère du film. Comment elle lui est apparue froide, presque cruelle par moment. Sauf au moment, où elle découvre du sang sur la culotte de sa petite fille. Sang qu’elle imagine être les débuts de la puberté de sa fille. Son émotion est vite camouflée derrière des conseils de lavage pour éviter que le sang ne tâche le coton. C’est la seule fois où l’on voit la petite fille tenter dire quelque chose. La mère n’est déjà plus là. L’homme qui parle dit : « Tout ce qui est dans ce film est vrai. » Les jeunes psychologues repèrent plusieurs séquences où la mère semble en souffrance, se défendant de cette souffrance par un comportement distant, voire cynique. « Mais que vont dire les gens maintenant ? Qu’on t’a vendue à notre meilleur ami ? Tu y as pensé à nous, à sa femme, à ses enfants ? Á tout ce que tu détruis, juste pour quelques doigts dans une chatoune ?

Léa, notre collègue de serpsy aborde la notion d’incestuel. Cette ambiance insidieuse, tout autant toxique que l’inceste, qui règne dans certaines familles. Le fantasme du viol, et ses représentations sont autant de trauma dans le réel que des actes avérés. Les variations de l’intrusion sont protéiformes. Grande découverte de Freud devant la multitude des « révélations » de ses patientes qu’il traitait en analyse.

Dans le film, bien d’autres sujets sont abordés : la drogue comme anxiolytique, l’amitié qui soutient la rage de vivre, les jeux de l’imaginaire qui inventent des espaces oniriques offerts au spectateur comme autant de pas de côté qui sauvent. La fantaisie, l’art, comme des énergies libres et contagieuses. Bien sûr, ce n’était pas le lieu de les approfondir. Nous les avons à peine nommés, juste effleurés.

Le micro passait d’un spectateur à l’autre, sans que nous ayons à dynamiser les échanges. La discussion prenait dans la salle, nous en faisions partie. Une dame nous interroge, nous soignants. « Que pouvons-nous faire face à ça ? » Elle parlait des actes pédophiles. Dominique prend la parole. Parler est une des réponses. En parler. Nommer les choses par leur nom. Se parler. Lever la chape de silence. En public, comme nous le faisons dans ce cinéma Utopia aujourd’hui, pour que ces histoires traumatiques individuelles puissent s’extraire du lieu familial du non-dit, de la honte, et de la répétition. Les lieux du soin, de la psychiatrie sont des lieux d’accueil possibles pour ces souffrances-là. Les infirmières que nous sommes, sont là aussi pour ça.

Madeleine Jimena Friard, Serpsy

PRINTEMPS DE LA PSYCHIATRIE

Printemps de la psychiatrie

Pour un renouveau des soins psychiques

 

La psychiatrie et la pédopsychiatrie n’en peuvent plus. Depuis déjà plusieurs décennies, ceux qui les font vivre ne cessent de dénoncer leur désagrégation et de lutter contre le déclin dramatique des façons d’accueillir et de soigner les personnes qui vivent au cours de leur existence une précarité psychique douloureuse. En vain le plus souvent. Ce qui est en crise, c’est notre hospitalité, l’attention primordiale accordée à chacun et à un soin psychique cousu-main, à rebours du traitement prêt-à-porter standardisé qui se veut toujours plus actuel. Les mouvements des hôpitaux du Rouvray, Le Havre, Amiens, Niort, Moisselles, Paris… ont su bousculer l’indifférence médiatique et rendre visible au plus grand nombre le chaos qui guette la psychiatrie. Pour percer le mur du silence, il n’aura fallu rien de moins qu’une grève de la faim …

Devant cette régression organisée, nous nous engageons tous ensemble à soigner les institutions psychiatriques et à lutter contre ce qui perturbe leur fonctionnement. Patients, soignants, parents, personnes concernées de près ou de loin par la psychiatrie et la pédopsychiatrie, tous citoyens, nous sommes révoltés par cette régression de la psychiatrie qui doit cesser. Il s’agit pour nous de refonder et construire une discipline qui associe soin et respect des libertés individuelles et collectives.

Contrairement à la tendance actuelle qui voudrait que la maladie mentale soit une maladie comme les autres, nous affirmons que la psychiatrie est une discipline qui n’est médicale qu’en partie. Elle peut et doit utiliser les ressources non seulement des sciences cognitives, mais également des sciences humaines, de la philosophie et de la psychanalyse, pour contribuer à un renouveau des soins axés sur la reconnaissance de la primauté du soin relationnel. Notre critique de ce qu’est devenue la psychiatrie ne peut faire l’impasse sur la responsabilité de ses gestionnaires.

Les avancées de la recherche scientifique ne peuvent durablement être confisquées par des experts auto-proclamés dont les liens avec l’industrie pharmaceutique sont parfois suspects. Les savoirs scientifiques ne doivent pas servir d’alibi à des choix politiques qui réduisent les sujets à un flux à réguler pour une meilleure rentabilité économique. Nous sommes face à une véritable négation du sujet et de sa singularité, au profit de méthodes éducatives, sécuritaires ou exclusivement symptomatiques. Les interdits de pensée sont devenus la règle d’une discipline où l’on débat de moins en moins. La psyché humaine est tellement complexe qu’elle n’obéit à aucune causalité, simple et univoque, et se moque des réductions idéologiques. Toute approche privilégiant une réponse unidimensionnelle est nécessairement à côté. Nous récusons, dès lors, toute politique d’homogénéisation des pratiques. Une politique qui détruit la cohérence des équipes et instrumentalise la parole des patients fige la capacité d’inventer à force d’injonctions paradoxales, dans la nasse de discours sans épaisseur et mortifères.

Aussi, si les budgets de la psychiatrie et de la pédopsychiatrie, sans cesse rognés depuis des années, doivent  être largement revalorisés, comme l’exigent toutes les mobilisations actuelles, c’est l’appauvrissement des relations au sein des lieux de soins qui est notre souci premier. La standardisation des pratiques protocolisées déshumanise les sujets, patients et soignants. Le recours massif aux CDD courts, le tarissement organisé de la formation continue, l’inadéquation des formations initiales qui privilégient cours magistraux et visionnages de DVD sans interactions entre les étudiants et leur formateur, contribuent à la désagrégation des équipes au sein desquelles le turn-over est de plus en plus important. La continuité des soins et la cohésion des équipes en sont durablement compromises. Nous devons opposer à cet état de fait la spécificité de la maladie psychique, qui sous-tend la nécessité d’une approche singulière et d’un travail spécifique d’équipes pluridisciplinaires en institution psychiatrique ainsi que dans le médico-social, et la co-construction d’alliances thérapeutiques fécondes avec les personnes accueillies. C’est tout le monde de la psy et des psys, en institution ou pas, qui est concerné.

Nous voulons en finir avec l’augmentation continuelle du recours à l’isolement et à la contention, la contrainte doit cesser d’être la norme. Le droit des patients, hospitalisés ou non, est régulièrement ignoré, parfois volontairement bafoué. Cette violence institutionnelle, régulièrement dénoncée par la Commission Européenne des Droits de l’Homme,  touche en premier lieu les soignés, mais affecte aussi les soignants. La psychiatrie et le secteur médico-social doivent pouvoir s’appuyer sur des équipes stables avec des personnels non interchangeables quel que soit leur statut. Ils doivent pouvoir bénéficier d’un assise solide qui autorise la parole et propose de véritables évolutions de carrière.

Au-delà du soin, nous voulons travailler à des accompagnements alternatifs, nouer des liens équilibrés avec les différentes associations qui œuvrent dans la cité. Nous voulons multiplier les lieux qui cultivent le sens de l’hospitalité avec un accueil digne et attentif aux singularités de chacun.

Nous nous engageons à participer, organiser, soutenir tout débat, toute action ou mouvement cohérent avec ce manifeste, avec tous les professionnels, leurs syndicats, les collectifs, les associations de familles et d’usagers, et l’ensemble des citoyens qui souhaiteraient soutenir et développer une psychiatrie émancipatrice du sujet.

Nous appelons à participer à la manifestation nationale du 22 janvier à Paris.

Debout pour le Printemps de la psychiatrie !

 

 

Les premiers signataires :

 

Alain Abrieu, psychiatre de secteur, AMPI, Marseille ; Isabelle Basset, psychologue clinicienne, CHPP, Amiens ; Mathieu Bellahsen, psychiatre – Chef de pôle, EPS de Moisselles ; Dominique Besnard , Militant des Cemea et membre des 39 ; Philippe Bichon, psychiatre, Clinique de La Borde ; Pascal Boissel, psychiatre, président de l’Union syndicale de la psychiatrie ; Cécile Bourdais, enseignante-chercheure en psychologie, Collectif des 39 et Psy soin Accueil ; Fethi Brétel, psychiatre, Rouen ; Alain Chabert, psychiatre, USP ; Patrick Chemla, psychiatre chef de pôle Reims, psychanalyste, anime le Centre Artaud et l’association la Criée ; Jérôme Costes, infirmier en psychiatrie ; Dominique Damour, Collectif des 39 ;  Pierre Delion, Professeur de psychiatrie ; Sandrine Deloche, psychiatre des hôpitaux, Paris ; Yves de l’Espinay, cadre infirmier formateur ; Parviz Denis, psychiatre, praticien hospitalier, membre de l’ADA ; Patrick Estrade, infirmier de secteur psychiatrique ; Fanny Rebuffat, interne en psychiatrie, Reims ; Dominique Friard, infirmier de secteur psychiatrique, superviseur d’équipes, rédacteur en chef adjoint de Santé Mentale ; Philippe Gasser, Vice-président de l’Union syndicale de la psychiatrie, Uzès ; Yves Gigou, Collectif des 39, CEMEA ; Delphine Glachant, psychiatre des hôpitaux, Union syndicale de la psychiatrie, Les Murets ; Roland Gori, psychanalyste, professeur honoraire de psychopathologie à Aix Marseille Université, président de l’Appel des appels ; Liliane IRZENSKI, pédopsychiatre, psychanalyste, Collectif des 39 ; Serge Klopp, PCF, Collectif des 39 ; Emmanuel Kosadinos, psychiatre des hôpitaux, EPS de Ville-Evrard ; Nicolas Laadj, SUD Santé Sociaux ; Marie Leyreloup, présidente SERPSY ; Sophie Mappa, psychanalyste ; Jean-Pierre Martin, Ensemble ! ; Simone Molina, Le Point de Capiton ; Pierre Paresys, psychiatre de secteur, vice-président de l’Union Syndicale de la Psychiatrie ; Martin Pavelka, pédopsychiatre, Association des Psychiatres du secteur Infanto-juvénile ; Virginie Perilhou, infirmière en psychiatrie ; Laurence Renaud, « personne avec expérience psychiatrique « , Réseau Européen pour une Santé Mentale Démocratique /psysoinsaccueil debout ; Pascale Rosenberg, USP, psychiatre, directrice du Cmpp Henri Wallon à Sainte Geneviève des Bois ; Dominique Terres, psychiatre, psychanalyste, membre de l’ADA.

 

Liste des groupes et syndicats soutenant l’initiative :

 

Appel des appels (ADA)

Association des psychiatres de secteur infanto-juvénile

Association méditerranéenne de psychothérapie institutionnelle (AMPI)

CEMEA

Collectif des 39

La Criée

Humapsy

Pinel en lutte

Le Point de Capiton

Les Psy causent

Psy soins Accueil

Réseau européen des Santé Mentale démocratique

SERPSY

Fédération Sud Santé Sociaux

Union Syndicale de la Psychiatrie (USP)

 

 

 

Retour sur la première soirée débat Utopia Avignon, après la diffusion du film De chaque instant, le 11 septembre 2018.

Serpsy fait son cinoch

             

            Le désir de voir les représentations de la société évoluer sur la folie, la santé mentale, le soin en psychiatrie, anime les serpsyiens. Mais comment faire ? L’idée d’ouvrir notre réflexion à un public plus vaste avait émergé dans le groupe des serpsyens depuis quelques mois. Il y avait le sentiment d’une urgence de nous exprimer en dehors des lieux spécialisés pour discuter avec les non professionnels. Les lieux de cultures peuvent et savent accueillir les débats ouverts sur le monde, ils en ont la mission et l’habitude. Alors pourquoi pas, même si l’idée est un peu folle, un peu osée, de partir à la rencontre du cinéma ?

  Ça a commencé en juin. A l’ombre des  murs du Palais des Papes s’abritant du Mistral, Dominique et Madeleine s’installent à la terrasse du cinéma Utopia en Avignon. Une soirée/ débat utopienne vient de se terminer. Le cinéma organise régulièrement des rencontres avec les réalisateurs, des critiques de cinéma, ou des associations citoyennes. Ce soir-là, la séance était co-organisée avec les entendeurs de voix, à partir d’un documentaire américain. Le reportage suivait le parcours de plusieurs personnes qui avaient eu des problèmes psychiatriques graves et montrait comment chacun s’en était sorti. Dans le public se mêlaient des soignants qui ne disaient pas forcément qu’ils en étaient, venant sur leur temps personnel, des usagers, des animateurs du Gem d’Avignon, des spectateurs. Chacun parlait librement, les uns de cette particularité d’entendre des voix, d’autres du soin ou de la psychiatrie, de la violence ressentie d’être stigmatisé. Les discussions se croisaient, se répondaient, c’était simple, naturel. L’idée est venue là.

Et si Serpsy proposait à l’Utopia un cycle de films qui traiteraient de la folie, au sens large, avec rencontre et discussion avec le public à l’issue de la projection ? Deux jours après, un simple coup de fil au cinéma leur donne rendez-vous à la rentrée, le temps de laisser passer le festival et les vacances. Ce qui fut fait, et début septembre, il font la connaissance de Boris Doussy, qui, enthousiaste, leur propose une première date à l’occasion de la sortie du dernier film de Nicolas Philibert « De chaque instant » sur la formation infirmière dans les IFSI. Ainsi s’ouvrent à  Serpsy les portes du Cinéma Utopia d’Avignon. Et arrive la première séance, le premier débat.

 

Bien installé dans nos fauteuils rouge, l’attente sachève. La lumière s’éteint. Le projecteur se lance. Nous sommes Mardi 11 Septembre 2018, Madeleine, Dominique, Stéphanie et moi.  C’est le début dune nouvelle aventure pour Serpsy.

La pellicule tourne. Après, La Moindre des choses, Être et avoir, La Maison de la radio, le réalisateur Philibert, nous emmène avec lui, suivre son regard sur la formation en soin infirmier. Le découpage du réalisateur, séquence en trois temps, cette formation.

            Du lavage des mains, aux soins en stérile, la première partie, porte sur l’acquisition de gestes techniques. Les formateurs sont à l’écoute. Des rayons à lumière ultra-violet, au mannequin d’accouchement, le matériel ne manque pas pour ces futurs soignants. Une main gantée stérile, le demeure t-elle, quand elle vient à effleurer un instrument propre ? Une main stérile, est considérée sale, quand elle n’est techniquement, que propre ? Simple ou simpliste, pas tant que cela. Et si la question est d’importance, le manque est là. Nos futurs soignants sont des étudiants. Leur formation s’inscrit dans un parcours universitaire. Les cours magistraux y sont absents. Le regard de la caméra est centré sur la technicité.

             La pellicule tourne toujours. La caméra filme les premiers pas des étudiants dans les unités de soins. C’est le temps du stage. La mise en application de la technicité. Différents lieux, différents soins, les étudiants débutent, évoluent, agissent. Ils sont en devenir. Entourés, accompagnés par des professionnels du terrain, toujours à l’écoute. La caméra s’attarde sur les visages des patients hospitalisés sur qui les étudiants expérimentent leurs savoirs tout frais. Grimaces de douleur, d’inquiétude, ou d’angoisse dans l’attente de ce qui va leur arriver. Regards perdus. La question se pose, sujets ou objets de soins ? Chacun d’eux à sa manière tente de rester digne dans la douleur de ce corps qui leur échappe, et qu’ils confient au futur soignant. Les uns en serrant les dents, les autres en faisant de l’humour, d’autres en parlant de ce qu’ils ressentent. Hommes, femmes, enfants, aucun n’a choisi d’être là. La maladie les a saisis dans leur vie. Confrontation avec la douleur, l’angoisse de la mort. De toute évidence, être à l’hôpital n’est pas une partie de plaisir. Le film ne nous évite pas ces états de grande fragilité. Et les étudiants sont si jeunes.

Une séquence d’un stage en psychiatrie dans un hôpital de jour en région parisienne, nous montre un étudiant assis près d’une patiente pleine d’entrain et d’humour dans un jardin partagé. Il l’écoute. Doucement, elle le questionne, et le fait parler de lui. Spontanément, le jeune homme confie ses difficultés scolaires, ses erreurs de jeunesse. Il est sans malice, naïf. Une sorte de proximité s’établie entre eux. La relation humaine est palpable.

            Dernier temps, le retour de stage. Les étudiants défilent, chacun leur tour, dans les bureaux des cadres formateurs. La caméra capture les récits. Les premières impressions, le rapport à la mort, la pudeur, les difficultés vécues dans les équipes, le manque de personnel, la cadence journalière. Mais également la fierté, le désir de découvrir encore, de devenir enfin, infirmier. Les cadres écoutent, notent, conseillent, orientent.

           

            Le projecteur s’éteint. La lumière s’allume. Boris, notre interlocuteur Utopien, nous introduit. Micros en mains. Le public attend. Le débat peut commencer. La magie opère, ou du moins le débat. La parole, rapidement, est saisie, par le public. Un sentiment d’urgence frémit. Ils ne sont plus là pour écouter, mais pour parler. Pour prendre la parole. Et c’est celles d’infirmiers et d’infirmières de tout temps, de toutes formations qui se fait entendre.

            Le débat, vivant, est animé principalement sur la violence de cette formation. Est-elle réellement devenue bienveillante à l’égard des nouveaux des étudiants. A en croire, celles, se décrivant comme les « vieilles infirmières », elle tendrait à l’être. Fruit de leur désir, conclusion tirée d’un documentaire au regard tronqué. Que devenir pour la profession? La fin du diplôme d’Infirmier en Secteur Psychiatrique est déplorée. Les pratiques avancées en devenir sont intérogées.

            Si la vision, quelque peu édulcorée de Philibert, a le mérite de montrer ce qui se dit peu, se montre peu, à savoir le travail des soignants. Il porte également en lui, la naïveté, d’un regard, emprunt des représentations de la société. C’est surtout, comme il le dit lui-même en interwiew au moment de la sortie du film un « hommage » à cette profession de l’ombre, à travers ses étudiants. En effet, en janvier 2016, le réalisateur Nicolas Philibert, a lâché sa caméra pour enfiler la blouse du patient, aux urgences puis en soins intensifs. (Par ce documentaire, il vient rendre hommage aux soignants. )La douceur, et la bienveillance, mise en lumière dans ce documentaire, pourrait être à l’image de celle qu’il a lui-même reçu. Mais à l’ombre de la lumière, gît une réalité, qui elle, toujours tue, est celle de violence. Celle reçu, celle produite, qui perdure. Était-il possible, pour Philibert, de faire transparaître cette violence à l’écran, de la mettre à jour ? Sa démarche de remerciement, d’hommage, tend à honorer les qualités d’un métier, de son apprentissage. Mais ce faisant, il occulte, il dénie, ainsi, la réalité de la souffrance, celle des soignants, d’être au quotidien, au cœur de cette dernière. 

            En rendant hommage aux soignants, Philibert, par De Chaque instant, illustre de manière paradoxale, on peut même dire, qu’il révèle un déni collectif, fruit d’un impossible sociétal. Cette réalité bien difficile à entendre, à voir, à admettre, est celle d’une société qui maltraite ses soignants.

Léa Martinez

Infirmière CH Montfavet (84)

Serpsyenne

 

           

           

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La revue de psychothérapie institutionnelle / FIAC

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